lundi, août 03, 2009

Psycho : de l'original à la copie




L'idée semblait au premier abord complètement ridicule. Réaliser un remake d'un classique de l'horreur, Psycho (1960), un film considéré aujourd'hui comme un des plus marquants de son auteur, Alfred Hitchcock. Une œuvre parfaite, comme on parle d'un crime parfait, dont chaque élément est à sa place : musique, jeu des acteurs, réalisation, montage. Hitchcock avait rempli son objectif, qui était de faire un bon film avec un petit budget et qui marquerait profondément le public.

Alors, pourquoi refaire Psycho* en 1998 ?

Cette idée un peu folle a germée dans la tête de Gus Van Sant, grand admirateur du film. Son but était de le faire connaître à une jeune génération de spectateurs, allergiques au noir et blanc, et pour qui le nom d'Hitchcock ne dit rien du tout. En partie hommage au cinéaste à l'embonpoint, en partie exercice de style, l'objet de ce remake n'était pas de supplanter l'original mais simplement de l'actualiser. Le découpage, la musique, les dialogues ont été conservés. Du noir et blanc somptueux de John L. Russell, on passe à la couleur de Christopher Doyle. Vince Vaughn remplace Anthony Perkins dans le rôle de Norman Bates, Anne Heche joue Marion Crane et Julianne Moore, sa sœur Lila.

Objet de curiosité, le Psycho nouveau est fait pour être projeté dans un musée, à côté de l'original. On s'adonnera alors avec délectation à l'exercice de la comparaison, en notant les décalages, les divergences. Van Sant s'amuse lui-même à pousser la fidélité à l'original en incorporant les faux-raccords et autres erreurs du film de 1960. Il ajoute également un dialogue trop osé pour l'époque, mais se permet d'incorporer sa marque "d'auteur". Et c'est là que l'on peut se permettre de douter de ses choix : citons en exemple la scène d'ouverture, quand Marion et son amant Sam Loomis (Viggo Mortensen) discutent dans leur chambre d'hôtel, alors que l'on entend les ébats d'un couple dans la chambre adjacente. Cela n'apporte rien au récit. Pire, quand Norman Bates espionne Marion Crane par le trou de son bureau, il se masturbe, ce qui n'était pas du tout le cas dans l'original. Expliciter ce qui n'était que suggéré, voilà bien le travers de notre époque.

D'autres choix posent question : dans la fameuse scène de la douche, Van Sant démarre la musique plus tard, et ajoute des plans de nuages (le leitmotiv du cinéaste). Dans la scène de meurtre du détective privé Arbogast, il ajoute quelques plans très courts sans aucun rapport avec la scène. Une manière comme une autre de s'emparer du matériau et de légitimer l'exercice, en l'occurrence assez stérile au niveau créatif ?

Peut-être.

Force est de constater que la comparaison n'est pas à l'avantage du remake. La performance des acteurs est bien en dessous de l'original. C'est surtout vrai dans le cas de Vince Vaughn, dont le jeu appuyé ne laisse pas beaucoup de doutes quant à l'équilibre mental de son personnage. L'utilisation de la couleur apporte un trop-plein d'informations et à part quelques améliorations techniques, les ajouts de cette nouvelle version sont sans intérêt.

Alors, mauvaise idée dès le départ ? Fort possible. Pourquoi ne pas avoir réédité l'original en faisant une restauration digne de ce nom, comme ce fut le cas pour Vertigo ? Si le Psycho de 1998 n'a pas drainé les foules (contrairement à son prédécesseur), c'est surtout parce que les adolescents d'aujourd'hui sont plutôt friands de films beaucoup plus gores, dans le genre Saw et autres Hostel. Et le rythme assez lent, typique d'un film des années 60, ne pouvait que les décevoir.

Sans parler du fait que voir le remake ne peut que gâcher l'élément de surprise pour celui qui souhaite découvrir l'original.

C'est évidemment le film d'Hitchcock qui restera dans les mémoires, et cet ersatz rejoindra le cabinet des curiosités, avec d'autres freaks du même acabit...

Extraits :

La scène de la douche originale

La même scène dans le remake

* projeté le 2 août 2009 à la Cinémathèque Française de Paris.