vendredi, septembre 23, 2011

Le plus beau western du monde ?



S'il y a chez les cinéphiles endurcis une certaine tendance à cracher dans la soupe (cf. les réactions aux articles de Serge Toubiana sur son blog), on ne peut que rendre justice à cette belle institution qu'est la Cinémathèque Française quand elle remplit son rôle de préservation du patrimoine cinématographique mondial. Un bel exemple en a été donné mercredi 21 septembre avec la projection de Wild Rovers (Deux hommes dans l'Ouest), unique western de Blake Edwards datant de 1971, projeté en version intégrale dans une copie tirée spécialement pour l'occasion.

Quelle meilleure façon pouvait-on trouver pour rendre hommage à ce grand réalisateur, décédé fin 2010, que de projeter son film dans la version la plus proche possible de celle qu'il souhaitait ? Avant la séance, Jean-François Rauger nous apprenait que la MGM avait à l'époque charcuté Wild Rovers, le trouvant trop noir. Le montage était donc passé de 136 à 106 minutes, perdant au passage 30 minutes ! La copie 35 mm qui nous était proposée était donc certainement la seule existante au monde.

Alors, qu'est-ce que ça donne quand un génie de la comédie se frotte au western ? D'abord, il faut remettre le film dans son contexte. En 1971, Blake Edwards sort du fiasco Darling Lili, film d'espionnage à grand spectacle avec sa femme Julie Andrews, échec énorme au box-office. Il se lance dans ce western tardif dont il écrit le scénario : la fuite de deux amis cowboys qui ont cambriolé une banque et tentent d'en profiter avant de mourir. Edwards ne s'interdit rien et brosse un portrait peu flatteur d'une Amérique en pleine construction. Mais il le fait avec beaucoup d'humanité et d'amour pour ses personnages.

Hanté par la mort

C'est une peu comme si Edwards avait tenté le western ultime : tout y est beau, les décors, la lumière, les paysages, les bêtes, les hommes aussi. Mais tout est hanté par la fin, la mort. Des le départ, Ryan O'Neal demande à William Holden s'il a peur de la mort. Et il répond que non. Les deux savent qu'elle est là, qu'elle les attend au détour de chaque chemin et que jamais ils ne pourront accomplir leur rêves s'ils ne forcent pas le destin. Profiter de la vie semble être la seule solution.

Le film est parsemé de longues discussions entre deux hommes qui cherchent des réponses à leurs angoisses. Des digressions qui ont dû effrayer les pontes de la MGM, lesquels ont sorti leurs ciseaux. On dit qu'Edwards a plongé dans la dépression après ce coup dur, et qu'il en a gardé une haine certaine pour le milieu hollywoodien, avec lequel il règlera ses comptes dans des films ultérieurs (notamment S.O.B., 1981).

Si Wild Rovers est un film bouleversant, c'est parce qu'il traite son sujet de front, sans mentir. Rarement aura-t-on vu aussi bien traité l'amitié entre deux hommes. Rarement aura-t-on vu l'Ouest américain dans toute sa splendeur, sa violence, ou peut-être chez Peckinpah. Si Wild Rovers est un grand film, c'est aussi grâce à la magnifique partition de Jerry Goldsmith, dont le thème épique accompagne l'aventure des deux héros jusqu'au dénouement tragique.


Parsemée de plages expérimentales, la bande-originale fait partie des réussites de son auteur et mérite sa place dans la discothèque de tout fan de musique de film.

Alors, ne ratez pas la dernière projection à la CF (lundi 10 octobre à 20h), et si vous n'êtes pas sur Paris, vous pouvez toujours vous rattraper avec le DVD disponible en import US.

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